En Guinée, le personnel de santé en première ligne des infections par Ebola
N’Zérékoré, Guinée – Odia Doumbouya travaille dans le domaine de la santé depuis 7 ans, mais jamais on ne lui avait vanté le « nettoyage en S » du sol comme une technique de lutte efficace contre une épidémie d’Ebola. « Cela consiste à mettre la serpillère sur la raclette et à former un S en nettoyant les surfaces », explique la surveillante générale de l’hôpital régional de N’Zérékoré, dans le sud-est de la Guinée, où sévit une épidémie d’Ebola depuis près de deux mois. Ce qui peut sembler un détail permet en réalité de débarrasser les sols du dangereux virus et d’éviter des infections.
Comme d’autres membres du personnel de santé, Odia Doumbouya a suivi une formation à la prévention et au contrôle des infections (PCI-WASH) dispensée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). La PCI est l’un des piliers techniques de la riposte à Ebola et contribue à rompre la chaîne de transmission du virus au sein des structures de santé et dans la communauté. Elle permet aussi de prévenir l’infection dans les zones non affectées.
Depuis l’enregistrement d’un premier cas d’Ebola, le 14 février, le personnel de santé paie un lourd tribut à l’épidémie. En effet, près d’un tiers des cas confirmés de maladie à virus Ebola sont des agents de santé. L’OMS et ses partenaires ont donc rapidement entrepris de renforcer leur protection en renforçant les dispositifs de protection du personnel.
« Plus on limite le risque d’infection, mieux on contrôle l’épidémie et, donc, plus on augmente les chances d’y mettre fin », explique Bienvenu Houndjo, responsable de la PCI à l’OMS.
« Dans nos structures de santé, la PCI était vraiment absente. Avec l’OMS, nous avons fait des évaluations rapides qui nous ont permis d’avoir une meilleure visibilité des actions de prévention et de contrôle des infections », précise Dr Marcel Kourouma, chef de la section PCI à la Direction régionale de la santé de N’Zérékoré et président de la commission PCI de la riposte à Ebola.
Les premières investigations au sein des formations sanitaires (FOSA) ont montré un manque de préparation. L’hôpital régional de N’Zérékoré, par exemple, affichait un score de performance PCI de 50 %, très loin des standards satisfaisants. Sur la base de ce premier résultat, l’OMS a commencé une supervision quotidienne dans notre hôpital », explique Dr Fatoumata Cissé, coordinatrice du comité d’hygiène et de sécurité des patients de l’hôpital régional de N’Zérékoré. « Après quelques semaines de supervision et d’orientation de l’OMS, notre score est monté à 79 % ».
Pour atteindre le seuil de performance requis de 80 %, une structure de santé est évaluée sur divers aspects : mise en place d’un comité d’hygiène, d’un système de tri des malades, de zones d’isolement, de stations de lavage des mains, mais aussi sur la disponibilité et l’usage des équipements de protection individuelle, la formation du personnel, la stérilisation et le nettoyage de l’environnement du patient, la gestion de l’eau et la disponibilité et la propreté des toilettes.
A N’Zérékoré et Gouécké, ces mesures étaient insuffisamment en place. L’OMS et ses partenaires ont donc entrepris une série de formations sur la nouvelle panoplie d’outils (toolkit) PCI de l’OMS, qui sert de référence dans le monde. Ce toolkit détaille la procédure adéquate de triage des patients et de l’isolement des cas suspects, ainsi que l’ensemble des mesures d’hygiène à mettre en place au sein des structures de santé pour prévenir et contrôler les infections.
Au quotidien, de petits gestes peuvent faire une grande différence. « Auparavant, dès qu’un malade quittait son lit d’hôpital, on aspergeait le matelas avec du chlore », explique Odia Doumbouya, surveillante générale de l’hôpital régional de N’Zérékoré. « Nous savons maintenant que la pulvérisation à l’eau chlorée peut disséminer le virus et qu’il faut d’abord laver avec de l’eau savonneuse, puis rincer avec de l’eau claire avant d’utiliser le chlore. » Cette technique dite « des trois seaux » permet de maintenir un environnement sain débarrassé du dangereux pathogène.
« Dès la résurgence de la maladie à virus Ebola (MVE), l’OMS est venue non seulement pour réguler et coordonner toutes les actions au niveau de la sous-préfecture de Gouécké, mais aussi à l’hôpital régional où son apport est inestimable. La première action qu’elle a menée ici était de voir comment organiser le tri des malades. Le service de tri a été redynamisé et l’OMS a renforcé la capacité des agents de tri », se réjouit Dr Kaba Keita, directeur général de l’hôpital régional de N’Zérékoré. Avant d’entrer dans un établissement de santé, les patients potentiels sont désormais contrôlés et toute personne soupçonnée d’être atteinte de la maladie à virus Ebola est isolée dans une zone désignée, où elle est testée. S’il s’avère qu’elle est positive à Ebola, elle est transférée dans un établissement désigné pour y recevoir des soins appropriés.
Des études sont en cours pour évaluer l’impact de ces nouvelles pratiques à N’Zérékoré. En RDC, où sévit aussi une épidémie d’Ebola, il a été démontré qu’aucune infection n’a été signalée parmi le personnel de santé depuis la mise en place de ces mesures.
Au-delà de la lutte contre Ebola, la mise en œuvre des activités de la PCI contribue à l’amélioration de la qualité des soins et la sécurité des patients et du personnel de santé. Par exemple, en évitant une infection nosocomiale (acquise en milieu de soins), en service de pédiatrie ou post-opératoire, on épargne au patient un allongement de son séjour à l’hôpital et une augmentation du coût des soins dont devront s’acquitter les familles.
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